En cette deuxième et dernière journée des Etats généraux, nous nous retrouvons de bon matin devant le MAS. Les portes n’ont pas encore ouvert, mais l’affluence devant le bâtiment est à son comble. La journée est en effet cette fois ouverte au public ! Étudiants, journalistes et invités sont venus en nombre pour assister à la restitution des ateliers. Nous retrouvons la grande salle, cette fois aménagée en disposition de conférence. Chacun s’installe à son tour. « Je vais te chercher un croissant? », demande une jeune diplômée à notre voisine. La solidarité, de bon matin, en somme !

En attendant l’arrivée sur scène de Pascal Guénée, président de la CEJ, nous entamons la discussion. À côté de nous, la participante était présente aux ateliers de la veille sur les bourses et l’alternance. Elle en tire plutôt du positif : ”Le sentiment de beaucoup de jeunes est que nous sommes face à des freins qui ne dépendent pas de nous. Pour les bourses, par exemple, celles qui se déroulent dans la capitale favorisent évidemment les Parisiens. Nous avons évoqué par exemple l’idée que les candidats puissent les tenter depuis leur lieu de résidence, j’espère que cette idée sera reprise. En tout cas, c’était super d’avoir la parole, avec le sentiment d’être vraiment écoutée”…

Le calme revient dans la salle, alors que le président de la Conférence monte sur les planches. ”Durant ce dispositif inédit, des groupes ont pu échanger en toute égalité, entre professionnels des ressources humaines, jeunes diplômés, étudiants, enseignants, représentants d’organisations professionnelles, afin que chacun puisse sortir de son silo et entendre le point de vue de l’autre. Notre méthode est de nous confronter, imaginer des solutions, face à de nombreux défis”, explique-t-il. Objectif, pour l’ensemble de la CEJ, mais aussi des participants : se projeter vers l’horizon 2030. ”Nous nous donnons six mois pour former des propositions, des recommandations, voire des demandes, d’ici le printemps prochain, afin que le foisonnement de ces deux journées ne soit pas vain, mais une première étape”.

À son tour, Léa Bouvet, fraîchement diplômée de l’EJDG, monte sur scène. ”Cette journée est l’accomplissement d’un travail concret, sur le temps long, qui a commencé en avril dernier. Durant un week-end, nous étions une quarantaine d’étudiants, venus de toutes les écoles, pour déjà échanger sur ces sujets. Cette démarche de prendre en compte notre parole était elle-même inédite. Nous ne savions pas à quoi nous attendre, mais nous avons été surpris de la richesse de nos échanges, nous avons pu discuter de notre vision du métier, et de son avenir. Cela a marqué l’émergence d’un collectif qui n’avait pas conscience de lui-même”, entame-t-elle, évoquant les pistes de travail débattues lors des tables rondes.

Son ressenti des échanges semble parfaitement représenter celui des jeunes présents dans la salle. La diplômée poursuit : ”Nous avons évoqué la question de l’égalité des chances, des discriminations, des violences, aussi, vécues lors des premières expériences professionnelles, mais aussi de la pige, du manque de préparation subi par certains, de cette impression d’être mal armés en arrivant sur ce marché. De ce métier passion, des choix de vie qu’il implique, et des sacrifices d’un côté cohérents, de l’autre non acceptables”. Cette déclaration provoque de nombreux applaudissements dans la salle. Il semble que Léa ait tapé juste. Elle conclut ainsi : ”Notre entrée sur le marché du travail est souvent un parcours du combattant, au prix de sacrifices personnels et financiers trop importants. Nous nous réjouissons de cet élan collectif, mais beaucoup reste à faire. Nous voulons être journalistes, à condition que l’on nous laisse un peu de place pour le faire…”

Le discours est important, et résonne auprès des participants, notamment des étudiants. L’occasion de montrer à nouveau l’envie de changement de la jeunesse. Antoine Chuzeville, président de la CPNEJ, prend le relais au micro. Il rappelle la création de la Commission paritaire nationale de l’emploi des journalistes ”au siècle dernier”, dans le cadre de la convention collective, et son rôle ”de l’étude du marché de l’emploi dans la presse, du contrôle et de l’agrément des formations en journalisme”. ”Notre constat est que beaucoup de jeunes diplômés travaillent avec passion, mais qu’ils sont aussi nombreux à quitter la profession. La presse n’est pas habituée à manquer de candidats, ou à voir les meilleurs étudiants, lauréats de bourses prestigieuses, quitter le journalisme. Comment y remédier, c’est tout l’enjeu de ces Etats généraux ! Notre objectif est de défendre nos métiers et de protéger la qualité de l’information”.

Alexandre Koutchouk, sous-directeur de la presse écrite et des métiers de l’information à la Direction générale des médias et des industries culturelles, prend sa suite, pour rappeler ”le rôle démocratique fondamental” de la presse, justement : ”À l’heure où chacun peut diffuser des informations, s’auto-proclamer journaliste, il est essentiel de réfléchir collectivement au sein des entreprises de médias. Il n’y a pas de journalisme de qualité sans formation de qualité, en début de carrière, et tout au long de la vie professionnelle”, souligne-t-il, estimant que les journalistes demeurent ”les garants de l’accès des citoyens à une information fiable et pluraliste”. Un discours bien évidemment soutenu par l’ensemble des participants à cette matinée de dialogue.

Leur venue était attendue sur scène : Rodolphe Ejnes et Marie Leplaideur sont consultants pour le cabinet Pluricité, chargé par la CEJ de réaliser une enquête cette année, auprès des quatre dernières cohortes de jeunes diplômés des écoles de la Conférence. À travers ces échanges, ils ont compilé des statistiques. Ils partagent leurs résultats avec l’audience. Premier constat : les écoles reconnues sont un gage de qualité. ”Elles sont vues comme une carte de visite, un label, un vrai plus pour entrer dans le métier. D’ailleurs, beaucoup d’employeurs sont justement issus de ces cursus”, constatent les consultants, qui relèvent ”une vraie satisfaction vis-à-vis de la formation, avec un socle de compétences cohérent avec les attendus professionnels”.

Cependant, les jeunes journalistes observent quelques manques dans leurs cursus respectifs. ”Beaucoup ont exprimé le besoin d’être formés aux nouveaux formats, les réseaux sociaux sont beaucoup revenus dans nos échanges, avec un décalage entre l’attente des employeurs quant aux jeunes, et la confrontation avec le réel, qu’ils n’utilisent pas tous TikTok par exemple ! Nous avons aussi recensé des demandes sur l’infographie, la data, le SEO, le marketing des synopsis… Du côté des savoir-être, la dimension commerciale du métier est ressortie, avec la volonté d’assumer que cela fait partie du métier, avec l’importance de savoir vendre un projet ou un pitch”, détaillent Rodolphe et Marie.

Malgré cela, près de deux tiers des répondants jugent leur intégration professionnelle ”plutôt” ou ”très facile”. Pluricité met en avant la grande diversité des statuts des jeunes diplômés : 35% sont en CDI, 28% pigistes, 25% en CDI. ”C’est différent de la moyenne des autres bac+5, qui sont à 50% en CDI”, signale le cabinet. D’ailleurs, paradoxe avec l’impression d’intégration plutôt aisée dans le milieu, 70% des sondés estiment que ce qui caractérise le plus le métier, c’est la précarité. Le cabinet l’explique ainsi : ”Beaucoup se disent qu’en comparaison avec d’autres jeunes diplômés du secteur, même précaires, ils n’ont pas à se plaindre. C’est un discours que nous avons beaucoup entendu : les formateurs préparent largement les jeunes au fait que leur insertion sera difficile, qu’il faudra baisser la tête plusieurs années. Une forme de résilience et de préparation à cette difficulté se sont préparées, ce qui leur permet de relativiser”.

L’enquête relève une dernière tendance, allant dans le sens de nombreux échanges au fil de ces deux journées : une volonté de préserver sa vie personnelle. Ainsi, 36% des jeunes jugent qu’un journaliste ne devrait pas travailler plus de 35 heures. Et l’articulation vie pro-perso arrive en tête des priorités quant au choix d’un poste, ex-aequo avec la ligne éditoriale, et devant l’ambiance au travail ou la rémunération !

Place désormais à la restitution d’une autre enquête, menée cette fois par des enseignants-chercheurs, sur l’alternance. Pour en parler, nous retrouvons Valérie Jeanne-Perrier, du Celsa, et Sandy Montañola de l’IUT de Lannion, ainsi que Samuel Bouron, sociologue à l’université Paris Dauphine. Un chiffre clef, cité par Valérie Jeanne-Perrier : 70% des jeunes voient l’alternance comme une voie qui facilite l’insertion. ”Nous avons donc voulu comprendre ce qui se passe quand cette modalité est choisie, et comment les apprentis la ressentent. Nous avons donc mené 34 entretiens avec des étudiants, d’une durée moyenne de 88 minutes”, résume l’enseignante-chercheuse du Celsa.

Quelques éléments pour comprendre ce panel : 13 apprentis ont grandi dans un environnement urbain, 17 en ruralité et 3 dans une petite ville. 16 ont choisi une voie ES au lycée, 8 L et 8 S, les deux derniers viennent de STMG. 20 viennent de classe moyenne, 11 supérieure, et trois populaire. Face aux concours, les étudiants en passent en moyenne quatre. 17 ont fait une prépa. 15 ont échoué la première année. Beaucoup de chiffres, qui permettent cependant d’appréhender ces journalistes en herbe.

Les enseignants-chercheurs les ont interrogés sur comment se passe leur alternance, très concrètement. Réponse de Sandy Montañola : ”La situation est très hétérogène, et ce peu importe les écoles. Cela dépend surtout du média. Certains ont peu, voire pas accès au terrain, avec des tâches peu valorisées, souvent réservées aux alternants. Leur accès aux espaces de réflexion et de décision est restreint. Et ils se retrouvent face à des transgressions de l’éthique journalistique, avec du copier-coller par exemple…”

Justement, les conditions de travail peuvent se révéler rudes, comme le montre Samuel Bouron : ”Ils font des horaires élevés, neuf heures par jour en moyenne. Certains restent longtemps dans la rédaction et n’osent pas partir. Paradoxalement, plus la charge de travail est lourde, et plus les étudiants ont l’impression de progresser, d’apprendre à être efficaces, rapides, techniques. Cela est vécu comme une chance dans la vie d’une rédaction”. Pour autant, déclare le sociologue, les répondants ne sont pas dupes quant à ”leur place dans la hiérarchie” : ”Il y a des services entiers composés de précaires, alternants, CDD, conscients de ne pas avoir les postes les plus attrayants de la rédaction et limités à certaines tâches. C’est une mise à l’épreuve acceptée, car temporaire”. L’apprentissage est alors vu comme une manière d’ouvrir des sas, pour ensuite être employables. Et ainsi s’insérer rapidement sur le marché du travail.

C’est désormais le moment que tout le monde attend : la restitution des fameuses recommandations, émises par les douze ateliers de la veille, qui ont demandé tant d’échanges, de réflexions, et de travail de synthèse ! Pour rendre le tout interactif, la CEJ propose aux présents d’utiliser l’outil Wooclap, permettant de noter en direct les différentes propositions, afin de faire remonter celles que chacun préfère. Et pour l’occasion, une invitée de marque est présente au premier rang, sans s’être cependant annoncée au plus grand nombre : Rima Abdul Malak, ministre de la Culture. Elle a justement demandé à assister aux échanges, pour écouter, tout simplement.

Commençons par l’atelier ”L’alternance, nouvelle porte d’entrée ? Entre effet d’aubaine et insertion durable”. C’est la rapportrice, Corinne Vanmerris, directrice adjointe de l’ESJ Lille, qui débute cette liste des recommandations. Elle rappelle quelques éléments clefs : le doublement de la part d’apprentis depuis 2019, pour atteindre 40% des étudiants. Et qu’un tiers des apprentis reste ensuite en poste dans leur entreprise. Les recommandations : l’amélioration du tutorat en entreprise, via une formation des tuteurs ; l’amélioration de la transparence et de la fluidité des offres d’alternance, via une plateforme en cours de développement par l’Afdas ; la création d’un club des RH des médias, pour faire un tour de France des écoles de la CEJ et pour présenter leur politique de recrutement. L’occasion de rappeler la rémunération minimale des apprentis, afin d’accéder à la prime d’activité !

Christophe Deleu, directeur du CUEJ, revient sur ”Bourses, stages, CDD, CDI, clarifier les règles du jeu”. Les propositions : ”une égalité devant les bourses et concours, en restreignant l’accès aux bourses et concours aux étudiants non alternants, sauf ceux prévus pour les alternants. Une égalité de territoire pour passer ces bourses et concours là où les étudiants vivent ; mieux prendre en compte les difficultés financières des stagiaires, avec une indemnisation partielle ou totale de leurs frais de logement et/ou de déplacement ; formaliser l’encadrement des stagiaires en rédaction, avec des entretiens d’arrivée et de départ, des informations sur la mission en amont, une obligation de suivi et un questionnaire de satisfaction à l’issue du stage. L’occasion de signaler une réforme du redouté planning de Radio France, largement applaudie par le public.

Au tour de Roselyne Ringoot, directrice de l’EJDG, de parler de l’atelier ”Egalité, discriminations, publics délaissés, comment aller vers un journalisme plus inclusif”. Les recommandations n’ont, confie-t-elle, ”pas été faciles à synthétiser”. Les voici néanmoins : travailler sur la visibilité des écoles reconnues et les voies d’accès, afin de sensibiliser plus largement, de susciter des vocations dans tous les milieux sociaux, auprès des collégiens, en facilitant les interventions des étudiants en journalisme dans les écoles ; intégrer la nécessité de présenter la diversité, à travers la création d’un ‘diversity editor’, pour vérifier que les sujets respectent bien la diversité ; ajouter dans les chartes de déontologie la question des diversités et du genre, pour interroger les stéréotypes et représentations. ”Ce que l’on veut rendre visible, c’est l’invisibilité de certains, justement. Il faut avoir une démarche volontariste dans ce sens”, conclut la rapportrice.

Pour ”Précarité économique, aléas des revenus de la pige, inflation, éviter de perdre les talents”, c’est Claire Tomasella qui est en charge de détailler les recommandations : ”Nous avons abordé les réalités hétérogènes, aux bords de la légalité dans ce mode de rémunération, pourtant très encadré par la loi. Cela a été une gageure de formuler des propositions, qui soient pratiques et au regard de la marge de manœuvre de la CEJ”, souligne-t-elle. Les trois points clefs : ”Formaliser au sein de la CEJ un contenu de formation sur la pige, le démarchage, le pitch, la dimension juridique et fiscale, le droit du travail, avec des adaptations aux spécialisations, à placer en dernière année de cursus ; constituer au sein de la CEJ un vade-mecum de la pige avec des référents, signalant le cadre légal et les syndicats, que chaque école s’engage à diffuser à ses étudiants ; avoir un référent pige dans chaque média et développer la formation continue des RH aux spécificités du secteur journalistique.

L’atelier ”Premières missions, remettre les jeunes journalistes sur le terrain” est rapporté par Valérie Jeanne-Perrier, du Celsa. ”Beaucoup ont mis en évidence que les premiers stages et les premiers moments dans l’emploi peuvent être déceptifs, avec un terrain rêvé qui n’advient pas. Or, le terrain ne peut se contenter d’un tweet ou d’un mail”, relaie-t-elle. Les trois propositions du groupe sont les suivantes : clarifier de manière formelle la répartition entre travail de desk et de terrain dans les conventions de stages et les contrats de travail, être clair dès le début pour l’alternant ou le jeune diplômé ; encourager la rotation dans le travail sur les tâches répétitives (notamment sur le bâtonnage de dépêches) ; développer la formation dans les écoles et la formation continue dans les rédactions sur les risques psycho-sociaux liés au terrain.

Enchaînons avec ”Se préparer aux nouveaux modes de consommation de l’information, quels enseignements ?” Jacques Araszkiewiez, directeur de l’École de journalisme de Cannes, accompagné d’Emmanuel Marty, enseignant-chercheur à l’EJDG, détaillent les trois propositions : renforcer la formation à la production de l’information pour les risques psycho-sociaux, intégrer une approche horizontale et participative dans les modalités d’enseignements, mettre à jour et actualiser en permanence sur les dimensions techniques et graphiques ; développer les formations initiale et continue aux risques de cyber-harcèlement en lien avec l’exposition sur les réseaux sociaux, pour les sujets incarnés, avec une forte exposition personnelle des journalistes ; formaliser sous forme de charte les principaux attendus de la rédaction pour la production de contenus sur les réseaux sociaux.

Autre sujet attendu, l’atelier ”Écoles, DRH, rédactions, CPNEJ, mieux dialoguer pour mieux défendre les cursus et les métiers”. Là aussi, trois recommandations ont été synthétisées par les groupes de travail : institutionnaliser un forum des entreprises et des métiers ; participer aux salons type l’Etudiant régionaux et nationaux au nom de la CEJ, pour mettre en valeur les spécificités des cursus reconnus ; créer un portail agrégeant des informations à destination des étudiants et futurs journalistes.

Sur la question clef ”La carte de presse est-elle toujours incontournable?”, c’est Laurent Bigot, directeur de l’EPJT, qui prend la parole. ”Cette question a été ambitieuse, les discussions tout autant. Et cela nous a amenés à évoquer des pistes intéressantes en termes d’évolutions”, souligne-t-il. Les trois idées clefs sont citées : création d’une carte d’étudiant en journalisme pour les étudiants des 14 écoles avec soutien de CCIJP ; faire intervenir au moins une fois dans le cursus de chaque étudiant la CCIJP ; conditionnement des aides à la presse au respect des statuts des journalistes professionnels, pour que tous respectent le salariat.

Thématique forte pour les étudiants, l’atelier ”Produire et bien utiliser les nouvelles compétences sur les politiques de la terre” est représenté par la directrice du CFJ, Stéphanie Lebrun. Elle prend le temps de rappeler que seuls 1% des sujets en 2019 concernaient le climat. Et que ce thème pourtant clef n’a occupé que 5% du temps médiatique pendant la présidentielle. ”Le lien n’est pas toujours fait entre des évènements extrêmes et le dérèglement climatique. Or, il y a une réelle demande du public, notamment de la part des jeunes”, relève-t-elle. Résultats des échanges : renforcer les formations sur le climat dans les écoles, avec une base commune de connaissances et d’aptitudes pour comprendre et traiter les problématiques, en prenant par exemple la forme d’une certification ; nommer des référents sur les thématiques climat dans les rédactions, en veillant à ce qu’elles soient abordées correctement et veiller à la mise en place de process de production pour réduire l’empreinte carbone et les déchets de la rédaction ; mettre en place un annuaire d’experts du sujet, basé sur le modèle des Expertes, accessible aux écoles et aux rédactions.

Vient maintenant ”Faire de l’égalité des chances un levier de renouvellement dans les écoles et les rédactions”, présenté par Sandy Montañola. Les recommandations sont les suivantes : faciliter l’accès aux concours des écoles, en limitant, en homogénéisant les frais des concours et en les regroupant sur une seule et même plateforme ; obliger légalement les entreprises à publier sur leur site internet les informations nécessaires pour piger et diffuser les offres sur Pôle Emploi et/ou LinkedIn ; organiser des rencontres, sur le temps des cours, dans des collèges et lycées prioritaires, afin de susciter des vocations.

Avant-dernier atelier, alors que l’heure de la pause déjeuner approche à grands pas ! Arnaud Schwartz, directeur de l’IJBA, revient sur l’atelier ”Management, dépasser le choc des générations et répondre aux nouvelles aspirations des jeunes journalistes”, et évoque justement l’attente d’un ”meilleur équilibre pro/perso”. ”Comment leur donner tort?”, lance-t-il, revenant sur ”les nombreux signaux d’alarme qui retentissent sur une moindre attractivité de postes dans les grands médias, qui doivent alerter la profession”. Pour aller dans ce sens, l’atelier a lui aussi généré trois propositions : créer un glossaire des choses que l’on ne veut plus entendre en rédaction et dans les écoles, renforcer la formation des étudiants aux règles du droit du travail qui les concernent ; renforcer la formation des managers et davantage impliquer les RH, notamment sur le temps de travail et le droit à la déconnexion ; créer un livret d’accueil en rédaction, dans chaque entreprise de presse, pour identifier les personnes ressources, sur les questions RH.

Nous arrivons à la fin de cette dense matinée, et au tout dernier atelier à restituer. Le rôle incombe à Pierre Ginabat, directeur de l’EJT, sur ”Quelles compétences pour les jeunes journalistes aujourd’hui et demain?”. ”Ne vous inquiétez pas, vous allez bientôt déjeuner”, lance le directeur en riant, rapidement imité par la salle. Il donne les trois recommandations de son atelier : considérer l’école de journalisme comme un laboratoire, pour apprendre à s’adapter aux nouvelles évolutions technologiques tout au long de son parcours professionnel ; renforcer les échanges avec des spécialistes non journalistes pour développer la pertinence et l’efficacité des sujets (data journalisme avec des informaticiens, construction de l’audience avec un YouTubeur, etc) ; aborder les productions des étudiants en mode projet, pour favoriser l’initiative et la créativité.

La pause déjeuner est bien méritée, après cette matinée intense et riche en contenu ! C’est parti pour presque deux heures, durant lesquelles les participants peuvent profiter du buffet et d’un agréable moment de networking. Les étudiants présents se déclarent plutôt satisfaits de l’expérience et ont, comme la jeune diplômée de ce matin, la sensation d’avoir pu faire passer leur message, d’avoir été écoutés durant les différentes tables rondes. Tous espèrent en tout cas que les recommandations formulées auront un impact sur le moyen, et surtout le long terme.

Retour à la grande salle pour ce dernier après-midi. Au programme, le retour de la part des écoles sur les fameuses expérimentations menées depuis un an. Elles seront toutes modélisées et partagées, afin que l’intégralité de la CEJ puisse s’en saisir. Chaque établissement intéressé pourra ainsi reproduire ces bonnes pratiques.

Citons-en quelques-unes, justement ! L’IFP a testé un système de coaching individuel, comme l’explique le co-directeur, Rémy Le Champion, afin de ”préparer les étudiants aux entretiens professionnels”. ”Nous travaillons par exemple sur la construction d’un récit professionnel accrocheur, en lien avec les valeurs de chacun, avec une mise en situation face à un possible chef de service, un employeur…” Une expérimentation intéressante, ”encore à retravailler” pour être perfectionnée. De son côté, Lannion est parti du constat d’une inégalité toujours forte entre hommes et femmes. ”Nous avons fait un test avec sept étudiantes, suivies par sept journalistes, dans des secteurs différents, afin de leur proposer des visites de rédactions, du réseau, mais aussi de les aider à prendre confiance en elles. Le dispositif a très bien fonctionné, même si cela demande des moyens, par exemple pour que les étudiantes puissent se rendre dans les rédactions”, souligne Sandy Montañola, globalement satisfaite de l’expérience. Les ”marraines” ont notamment proposé d’ajouter des moments plus informels, pour échanger de façon plus approfondie.

Autre expérimentation à l’IUT de Lannion : un projet de datajournalisme en presse régionale. ”Le constat de départ : le data-journalisme est souvent limité à des technologies que l’on arrive à maîtriser, des tableurs par exemple, ce qui fait que l’on s’attaque à des jeux de données relativement peu volumineux. Pour aller plus loin, on est face à une barrière !”, remarque Loïc Ballarini, enseignant-chercheur à l’IUT. Les étudiants volontaires ont ainsi étudié des données liées aux diagnostics de performance énergétique, agrégés par l’Ademe. ”Le but était que le résultat ait une pertinence éditoriale. Nous nous sommes fait accompagner par deux data-journalistes, et le bilan : c’était super”, explique l’enseignant en souriant, promettant de partager tous ces éléments, sous licence libre, afin que toutes les autres écoles puissent s’en saisir si elles le souhaitent.

Du côté de l’IUT de Cannes, l’expérimentation portait sur la compréhension des habitudes de consultation de l’information. ”Nous avons voulu enquêter, pour comprendre comment les Français s’informent ! Les étudiants sont partis à la rencontre de personnes, par tranches d’âge, pour les questionner sur leurs habitudes. Nous avons ensuite fabriqué 30 pastilles, à destination de différents réseaux sociaux, en reprenant les codes de chacun, publiés en dix jours, aux heures de prime de chaque réseau”, détaille Olivier Theron, enseignant de l’établissement, qui a piloté le projet. Résultat, en réussissant à s’accorder avec les algorithmes, les étudiants ont touché 100.000 personnes. ”C’est pratiquement la création d’un média”, se réjouit-il. L’IJBA revient ensuite sur sa volonté de davantage de dialogue et de diversité dans les médias. Puis, l’IPJ évoque un dispositif pour aider les jeunes journalistes à bien démarrer leur carrière.

À l’issue de cette présentation, ce sont les étudiants qui reprennent la parole, pour revenir sur leur séminaire stratégique. Agathe Legrand revient sur la vision des jeunes présents : ”Nous attendons beaucoup de ces journées, les décisions qui seront prises aujourd’hui, si elles sont appliquées demain, auront un impact concret sur notre futur, positif, espérons-le. Il y a en effet urgence, nous sommes jeunes, motivés, pleins d’ambitions et de rêves. Nous sommes des milliers à vouloir passer les concours d’entrée des écoles reconnues, dont les taux de réussite sont de 4%. Parfois, nous les passons deux, trois fois. Et une fois le bac+5 en poche, ce n’est que pour voir la partie émergée de l’iceberg”.

Elle poursuit : ”Nous acceptons des conditions de travail précaires, des situations aberrantes, des rémunérations inférieures à celles de nos collègues titulaires, nous nous réjouissons d’un CDD d’un mois, nous dépensons parfois plus que ce que nous gagnons, pour pouvoir travailler. À ce stade, je n’appelle plus cela un sacrifice. C’est pour cela que nous attendons beaucoup de cette journée”. Une intervention largement applaudie par les autres étudiants, la salle, et la CEJ. ”Difficile de passer derrière”, lance l’un de ses camarades sur scène. En effet !

Quelques derniers intervenants prennent la suite. Hervé Demailly, président de la Conférence des métiers du journalisme, qui revient sur l’édition d’un livret au printemps par la CNMJ : ”Journalisme rêvé, journalisme enseigné, journalisme pratiqué”. Puis, Frédéric Olivennes, directeur général d’Audiens, prend le temps de détailler aux participants le fonctionnement du régime prévoyance/santé des journalistes rémunérés à la pige. Virginie Sassoon, directrice adjointe du Clemi, souligne le lien fort entre le monde des écoles et celui des médias, et de l’importance de l’éducation aux médias pour les plus jeunes : semaine de la presse, venue de journalistes dans les écoles… ”Les journalistes sont les alliés des enseignants, ces deux métiers partagent un certain nombre de valeurs, dont le goût de la transmission et du vrai”, rappelle-t-elle. À ses côtés, Thierry Teboul, directeur de l’Afdas, explique de son côté ce qu’est cet Opco. Des informations précieuses pour les jeunes journalistes présents dans la salle.

L’après-midi s’achève et il est désormais temps de se quitter. ”Il ne peut y avoir d’information de qualité sans formation en journalisme de qualité. Nous l’avons démontré ici”, rappelle Pascal Guénée, montant une dernière fois sur scène, qui aura le mot de la fin : ”Il nous appartiendra dans les prochains mois, et dès aujourd’hui, de rendre possibles tous ces changements !”

Par : Laura Makary.

Crédits photos : Nicolas Fagot, Studio 9.

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